Jaco Pastorius: bassiste de légende

Lorsqu’on parle des plus grands bassistes de tous les temps, un nom revient systématiquement : Jaco Pastorius. Virtuose incontesté, révolutionnaire du son fretless et musicien au charisme débordant, il a redéfini à lui seul la place de la basse électrique dans la musique moderne.

Dans les années 1970, alors que la basse était encore perçue comme un simple instrument d’accompagnement, Jaco a osé en faire un instrument soliste, imposant son jeu fluide, mélodique et percutant. Son passage dans le groupe Weather Report, ses collaborations avec Joni Mitchell, ainsi que son légendaire album solo de 1976 ont marqué un tournant décisif dans l’histoire de la musique.

Mais qu’est-ce qui rend Jaco Pastorius si unique ? Pourquoi son influence reste-t-elle omniprésente aujourd’hui, plus de trente ans après sa disparition ? Dans cet article, nous allons explorer son parcours, son jeu révolutionnaire et son héritage, avant de voir comment, en tant que bassiste, tu peux t’inspirer de son style pour enrichir ton propre jeu.

Prépare-toi à découvrir le génie qui a changé à jamais la façon dont on joue de la basse électrique.

Qui était Jaco Pastorius ? – Biographie d’une légende

Les débuts d’un prodige (1951-1970)

John Francis Pastorius III, plus connu sous le nom de Jaco Pastorius, naît le 1er décembre 1951 à Norristown, en Pennsylvanie, avant de grandir à Fort Lauderdale, en Floride. Dès son plus jeune âge, il est bercé par la musique, notamment grâce à son père, chanteur et batteur amateur. Passionné de sport et de rythme, Jaco commence naturellement par jouer de la batterie.

Cependant, vers l’âge de 13 ans, une blessure au poignet due au football américain l’empêche de continuer à jouer de la batterie. Il se tourne alors vers la basse électrique, un choix qui changera l’histoire de l’instrument. Influencé par des artistes comme James Jamerson (Motown) et Paul McCartney (The Beatles), il développe rapidement une technique hors du commun et un son distinctif.

Dès son adolescence, Jaco joue dans des groupes locaux, perfectionnant son jeu en mélangeant jazz, R&B, rock et funk. Il démontre déjà une aisance exceptionnelle et une approche mélodique inédite pour un bassiste.

L’ascension fulgurante (1970-1976)

Dans les années 1970, Jaco fait ses premières armes sur la scène professionnelle en jouant avec le groupe Wayne Cochran & The C.C. Riders, un orchestre de rhythm and blues. Il y affine son groove et sa maîtrise du jeu en groupe, mais cherche rapidement à explorer d’autres horizons musicaux.

C’est à cette époque qu’il développe son fameux son fretless, qui deviendra sa signature. Frustré par les limites des basses électriques traditionnelles, il retire lui-même les frettes de sa Fender Jazz Bass, comble les espaces avec de la résine et obtient ainsi un son chantant, proche du contrebasse jazz. Cette modification lui permet d’explorer les slides, les harmoniques et des nuances impossibles à obtenir sur une basse frettée.

En 1974, il rencontre Pat Metheny, alors jeune guitariste prometteur, et collabore avec lui sur l’album Bright Size Life (1976). Cette collaboration met en lumière son style innovant et sa technique impressionnante. En parallèle, il enregistre son premier album solo éponyme (1976), produit par Columbia Records. Ce disque est une révolution : des morceaux comme Portrait of Tracy (entièrement composé d’harmoniques) et Donna Lee (reprise d’un standard de Charlie Parker joué à la basse avec une fluidité inédite) montrent à quel point Jaco Pastorius est bien plus qu’un simple bassiste : il est un véritable soliste et compositeur.

Cet album le propulse au rang de musicien incontournable de la scène jazz-fusion. Mais ce n’est que le début…

Le sommet de sa carrière avec Weather Report (1976-1981)

Le tournant décisif de sa carrière a lieu en 1976, lorsqu’il est repéré par Joe Zawinul, le leader du groupe Weather Report, l’une des formations de jazz-fusion les plus influentes de l’époque. Impressionné par son talent, Zawinul lui offre une place dans le groupe aux côtés du batteur Peter Erskine et du saxophoniste légendaire Wayne Shorter.

Avec Weather Report, Jaco devient une star mondiale et révolutionne la basse dans un contexte jazz. Il impose sa présence scénique charismatique, joue sans médiator, explore le slap et amène une dimension mélodique et soliste à la basse.

Des morceaux comme Teen Town, Havona ou encore A Remark You Made mettent en valeur son jeu virtuose et son sens unique de l’harmonie. Son groove est précis, puissant, et sa basse fretless lui permet d’exprimer une musicalité jamais entendue auparavant. Il ne se contente pas d’accompagner : il prend le rôle d’un véritable soliste au même titre qu’un saxophoniste ou un guitariste.

Durant ces années, Jaco Pastorius devient une icône du jazz fusion, influençant toute une génération de bassistes. Il participe aussi à des projets avec Joni Mitchell, avec qui il collabore sur plusieurs albums, dont Hejira (1976) et Mingus (1979). Sa manière de jouer en accords et son approche de la basse comme un instrument harmonique marquent profondément la scène musicale.

Mais derrière ce génie musical se cache une personnalité complexe. Jaco commence à souffrir de troubles bipolaires, qui affectent progressivement sa carrière et sa vie personnelle.

Pourquoi Jaco Pastorius est-il considéré comme un génie de la basse ?

Une révolution technique et sonore

Si Jaco Pastorius a marqué l’histoire de la musique, c’est avant tout grâce à son approche technique révolutionnaire de la basse électrique. À une époque où la basse était encore majoritairement un instrument d’accompagnement, il a su lui donner une place centrale et en faire un véritable instrument soliste.

L’invention du son fretless

L’une de ses innovations majeures a été son utilisation de la basse fretless. En retirant lui-même les frettes de sa Fender Jazz Bass et en appliquant une fine couche de vernis sur la touche, il a créé un son unique, plus fluide et expressif, rappelant celui d’une contrebasse ou d’un violoncelle. Cette modification lui permettait de jouer des glissandos subtils, d’obtenir un sustain naturel et d’explorer de nouvelles sonorités impossibles à obtenir sur une basse classique.

L’utilisation des harmoniques

Jaco a aussi popularisé l’utilisation des harmoniques naturelles et artificielles. Grâce à elles, il pouvait produire des notes cristallines et aériennes, transformant la basse en un instrument mélodique à part entière. Le morceau Portrait of Tracy en est un exemple emblématique : entièrement basé sur des harmoniques, il démontre à quel point il a repoussé les limites techniques de l’instrument.

Une musicalité sans précédent

Jaco n’était pas seulement un technicien hors pair, il était avant tout un musicien exceptionnel, avec une oreille et une sensibilité musicale rares, couplées à des connaissances théoriques fournies !

Un sens du rythme et de l’harmonie exceptionnel

Son groove était inimitable, et son sens du placement rythmique était à la fois précis et instinctif. Il pouvait jouer des lignes de basse complexes tout en restant extrêmement mélodique. En intégrant des éléments du funk, du jazz et du rock, il a donné naissance à un style hybride qui a influencé toute une génération de musiciens.

En plus de son sens du rythme, Jaco possédait une compréhension profonde de l’harmonie, lui permettant de jouer des accords sur sa basse et d’apporter une richesse harmonique inédite à ses lignes de basse. Ses collaborations avec Joni Mitchell illustrent parfaitement cette approche, notamment sur l’album Hejira, où sa basse se transforme en un instrument harmonique et atmosphérique.

Une approche soliste de la basse

Là où la plupart des bassistes se contentaient d’accompagner, Jaco prenait le devant de la scène. Il n’hésitait pas à prendre des solos dignes des meilleurs saxophonistes ou guitaristes, avec une virtuosité et une expressivité saisissantes. Il considérait la basse comme un instrument mélodique à part entière, capable d’exprimer autant d’émotions qu’un piano ou une voix humaine.

Un son immédiatement reconnaissable

Même sans le voir jouer, il est impossible de confondre le son de Jaco Pastorius avec celui d’un autre bassiste.

Un timbre unique grâce à sa Fender Jazz Bass

Son instrument de prédilection était une Fender Jazz Bass fretless de 1962, qu’il appelait affectueusement « The Bass of Doom ». Grâce à la touche lisse et au vernis qu’il avait appliqué, il obtenait un son riche en médiums, avec une chaleur et une rondeur incomparables.

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Une égalisation bien spécifique

Jaco avait une approche bien précise de l’égalisation : il boostait fortement les médiums tout en coupant légèrement les graves et les aigus. Cette configuration lui permettait d’avoir un son qui perçait dans le mix sans jamais être envahissant.

Un jeu au doigté précis et percussif

Plutôt que d’utiliser un médiator, il jouait exclusivement aux doigts, avec une attaque très marquée. Son jeu était à la fois fluide et percussif, lui permettant d’obtenir une puissance sonore exceptionnelle tout en gardant une grande expressivité.

L’héritage de Jaco Pastorius dans le monde de la basse

Une influence majeure sur des générations de bassistes

Jaco Pastorius a laissé une empreinte indélébile dans le monde de la basse. Son style révolutionnaire et son approche unique de l’instrument ont inspiré et influencé d’innombrables musiciens, toutes générations confondues.

Les bassistes influencés par Jaco

Parmi ceux qui ont directement hérité de son influence, on retrouve Marcus Miller, qui a repris certaines de ses techniques et a poussé plus loin l’exploration du slap et du groove jazz-funk. Victor Wooten, quant à lui, a intégré le jeu harmonique et la virtuosité mélodique de Jaco dans son approche du tapping et du fingerstyle. Richard Bona, avec son jeu fluide et chantant sur fretless, est également un parfait exemple de l’héritage laissé par Jaco.

D’autres bassistes comme Pino Palladino, Gary Willis, Tony Grey ou encore Steve Bailey ont aussi largement puisé dans son style et sa musicalité, chacun adaptant à sa manière l’héritage du maître.

Un impact au-delà du jazz fusion

Si Jaco est principalement associé au jazz et au jazz fusion, son influence dépasse largement ces genres. Dans la pop et le rock, des artistes comme Sting, Flea (Red Hot Chili Peppers) et Les Claypool (Primus) ont reconnu l’impact de Jaco sur leur jeu. Sa manière d’exploiter la basse en tant qu’instrument mélodique et expressif a ouvert la voie à une nouvelle approche de l’instrument, influençant aussi bien les musiciens de funk, de metal progressif que de musique électronique.

L’évolution de la basse fretless

Avant Jaco, la basse fretless était un instrument marginal, principalement utilisé dans des contextes expérimentaux ou jazz acoustique. Après son passage, elle est devenue un instrument à part entière, adoptée par de nombreux bassistes dans divers styles. Aujourd’hui, les marques de guitares et de basses proposent des modèles inspirés directement de sa légendaire Fender Jazz Bass fretless, preuve que son impact est toujours d’actualité.

Hommages et reconnaissance posthume

Bien que sa vie ait été tragiquement écourtée, Jaco Pastorius continue d’être célébré à travers de nombreux hommages et événements dédiés à son génie musical.

Albums et documentaires en son honneur

En 2014, le documentaire Jaco, produit par Robert Trujillo (bassiste de Metallica et grand fan de Jaco), est sorti pour retracer son parcours hors du commun. Ce film contient des témoignages d’icônes de la musique telles que Herbie Hancock, Geddy Lee, Bootsy Collins, Flea et Carlos Santana, et met en lumière à quel point Jaco a influencé des générations entières de musiciens.

De nombreux albums tributes lui ont aussi été dédiés, comme The Birthday Concert (un enregistrement live de 1981) ou encore Jaco Pastorius Big Band dirigé par Peter Graves. Ces hommages montrent à quel point son œuvre continue de résonner dans le monde de la musique.

La fondation Jaco Pastorius et son rôle dans l’éducation musicale

Après sa disparition, plusieurs initiatives ont été mises en place pour perpétuer son héritage, notamment via la Jaco Pastorius Foundation. Cette organisation a pour mission d’aider les jeunes musiciens à accéder à une éducation musicale de qualité et de promouvoir l’étude de la basse.

Des concours, masterclasses et festivals sont organisés chaque année en son nom, permettant aux nouvelles générations de découvrir et d’apprendre de son immense contribution à la musique.

Reconnaissance dans le Jazz Hall of Fame et autres distinctions

Jaco Pastorius a été honoré de nombreuses fois à titre posthume. Il a notamment été introduit au DownBeat Jazz Hall of Fame, une distinction prestigieuse qui n’a été attribuée qu’à très peu de bassistes électriques. Son nom est également cité dans presque toutes les discussions sur les plus grands musiciens de l’histoire, preuve que son impact dépasse les frontières du jazz.

Comment apprendre à jouer comme Jaco Pastorius ?

Les techniques à maîtriser

Jaco Pastorius était un musicien au style unique, combinant virtuosité, expressivité et groove. Si tu veux t’inspirer de son jeu, il est essentiel de travailler certaines techniques clés qui ont fait sa renommée.

Travailler la fretless et la justesse des notes

Jaco est avant tout célèbre pour son jeu sur basse fretless. Sans frettes, chaque note doit être parfaitement placée pour sonner juste, ce qui demande un excellent contrôle de l’intonation. Pour s’entraîner :

• Commence par jouer lentement et avec un accordeur pour t’assurer que tes notes sont précises.
• Travaille les glissandos (slides) pour obtenir un jeu fluide et chantant.
• Expérimente avec la pression des doigts pour mieux contrôler la dynamique et l’expressivité.

Développer le jeu en harmoniques et l’indépendance rythmique

Les harmoniques sont une signature du son de Jaco, notamment sur des morceaux comme Portrait of Tracy.

• Apprends les harmoniques naturelles en jouant sur la 5e, 7e et 12e case.
• Travaille les harmoniques artificielles, où tu pince une corde avec la main droite tout en effleurant la corde de la main gauche.
• Intègre ces techniques dans ton jeu pour enrichir ton vocabulaire musical.

Son sens du rythme était aussi exceptionnel. Pour le développer :

• Joue des grooves syncopés, inspirés du funk et du jazz.
• Expérimente avec des rythmes ternaires et binaires.
• Travaille avec un métronome en jouant des grooves devant, derrière et sur le temps.

Étudier ses lignes de basse emblématiques

Un excellent moyen d’assimiler son style est d’étudier et de reproduire certaines de ses lignes les plus marquantes :

• Teen Town : un chef-d’œuvre de rapidité et de précision.
• Havona : parfait pour travailler la fluidité et l’improvisation.
• Portrait of Tracy : un incontournable pour apprendre à maîtriser les harmoniques.

Les exercices et morceaux incontournables

Exercices pour améliorer la précision et la fluidité sur fretless

• Exercice 1 : Jeu chromatique lent → Joue une gamme chromatique lentement et avec un accordeur, en te concentrant sur la justesse des notes.
• Exercice 2 : Glissandos contrôlés → Joue des slides entre plusieurs notes pour améliorer la transition fluide sur le manche.
• Exercice 3 : Phrasé mélodique → Joue des mélodies simples (ex : Amazing Grace) en imitant un son de contrebasse.

Apprendre ses solos et transcriptions célèbres

De nombreuses transcriptions du jeu de Jaco existent. Certains morceaux sont parfaits pour comprendre ses concepts musicaux :

• Donna Lee → Pour apprendre ses lignes inspirées du bebop.
• Come On, Come Over → Un groove funk efficace et accessible.
• A Remark You Made → Un excellent morceau pour travailler l’expression et le sustain.

Importance de l’écoute active et de l’improvisation

Jaco était un maître de l’écoute et de l’improvisation. Pour s’imprégner de son style :

• Écoute ses enregistrements attentivement en prêtant attention à son placement rythmique et ses nuances dynamiques.
• Joue par-dessus ses morceaux, en essayant de capter son phrasé et sa musicalité.
• Expérimente l’improvisation sur des standards jazz et fusion pour développer ton propre son.

Le mindset de Jaco : jouer avec passion et créativité

Jaco Pastorius ne se contentait pas d’être un excellent bassiste, il était avant tout un artiste à part entière, avec une approche unique et une mentalité tournée vers l’innovation.

Sa philosophie : « Je suis le meilleur bassiste du monde »

Jaco aimait dire qu’il était « le plus grand bassiste du monde ». Ce n’était pas de l’arrogance, mais plutôt une affirmation de confiance et une manière de se surpasser. Pour progresser, il est essentiel d’avoir cette mentalité positive et de croire en son potentiel.

Son approche musicale axée sur l’expérimentation et l’innovation

Jaco ne se limitait pas aux conventions :

• Il expérimentait constamment avec les textures sonores, les effets et l’harmonie.
• Il mélangeait les styles (jazz, funk, rock, classique) pour créer un son unique.
• Il explorait le jeu en accords, les harmoniques, et des techniques que personne n’utilisait auparavant.

Trouver son propre son et style

Si Jaco a marqué l’histoire, c’est parce qu’il a créé son propre style. Plutôt que de simplement copier ses lignes, il est important de s’inspirer de son approche tout en développant sa propre identité musicale.

• Expérimente avec les sons → Essaie différentes configurations d’égalisation et de jeu.
• Compose et improvise → Ne te limite pas à reproduire, mais crée tes propres grooves et lignes de basse.
• Exprime-toi → Jaco jouait avec passion et émotion. Mets de l’âme dans ton jeu, et ton son deviendra unique.